Les paysans sont de sortie

Pendant que je réalisais l’enduit de la chambre des invités, Hups accompagna deux jeunes du village pour récolter des herbes médicinales. Ils se rendirent ensuite dans le charmant village voisin, avec vue époustouflante sur la chaine des Balkans, où réside Ivan, devenu depuis notre ami, et qui devait leur racheter le fruit de leur cueillette. Ce fut le premier salaire bulgare de la susnommée, 1 euro et 50 centimes pour deux heures de travail sous un soleil de plomb, et en prime le bout des doigts déchiré par le pinçage répétitif de plantes coriaces. Mais cela nous permit de rencontrer quelqu’un qui vit exclusivement du commerce d’herbes sauvages, un des derniers de la région, alors que c’était une pratique répandue il y a peu de temps encore. Il pourvoit un salaire d’appoint à des gens qui n’ont pas beaucoup d’autres ressources, et passe lui-même beaucoup de temps à sillonner les collines des alentours, avec son fils.  Tout est mis à sécher sur de grandes bâches dans son jardin les jours de beau temps, ou dans un grand séchoir rudimentaire, composé d’un feu de bois, et de deux turbines faisant circuler l’air à une température bien précise, jaugée à vue de pif par l’expert.

Il nous proposa alors de se rendre ensemble à un énorme festival de musique tsigane, le Guča, en Serbie. Et dans la foulée nous invita au concert d’une chanteuse très connue, Dragana Mirkovic, qui devait avoir lieu dans le courant de la semaine à la salle NDK dans la capitale, Sofia. Une partie du spectacle était assurée par une autre vedette, Vesna Zmijanac.  Nous acceptâmes volontiers, et, en compagnie de sa fille,  découvrîmes enfin la métropole, que nous avions toujours évitée jusque là. Malheureusement, ce soir-là, arrivés devant les portes, une affichette nous informait que le concert était reporté au lendemain, pour cause de deuil national. Ce qui nous permit de rattraper le retard en terme de vie citadine, puisque le jour d’après nous parcourûmes encore une fois les deux cents kilomètres qui nous séparent de cet océan de modernité. Le concert était plein d’ambiance; ce qui nous a semblé bizarre, c’était de voir les gens monter sur une des plus grandes scènes du pays, et se faire prendre en photo avec la chanteuse, en plein exercice de son art, de l’embrasser ou de lui offrir des fleurs, des ballons, et celle-ci de prendre la pose, en continuant comme si de rien n’était. Cette proximité avec le public, c’est peut-être une réminiscence du temps apparemment béni du communisme, où tous étaient égaux. En tout cas, pendant quelques chansons, quelle ne fut pas notre surprise de voir la starlette descendre de scène et se ballader « tranquillement » parmi ses fans, qui dansaient autour d’elle dans une grande liesse décontractée.

Voici un lien vers ce concert, je pense qu’il y a moyen de le regarder intégralement en plusieurs morceaux, vu le nombre de gens qui ont filmé dans la salle.

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